Analyse du son moteur
Avec un moteur à allumage commandé et après montée en température, les sources sonores périodiques à l'origine de la tonalité moteur sont liées aux fréquences :
- du cycle moteur (avec pour les multicylindres une explosion légèrement différente dans chaque chambre de combustion sur le même cycle)
- du vilebrequin (bruits mécaniques, vibrations suivant forces d’inertie des bielles et pistons) = (tr/min)/60 en Hz
- des admissions/explosions successives (suivant intervalle(s) d'allumage égaux ou non sur la séquence d’allumage)
Le timbre sonore dépendra de l'amplitude et donc de l'intensité respective de ces 3 fréquences et de leurs harmoniques qui sont des multiples entiers (x1, x2, x3, ...) de la fondamentale qui est toujours la fréquence la plus basse, celle du cycle moteur :
- (tr/min)/60 pour un cycle à 2 temps ou Wankel avec une explosion par tour de vilebrequin
- (tr/min)/120 pour un cycle à 4 temps avec une explosion tous les 2 tours
Pour un même cycle de fonctionnement (4 temps, 2 temps ou Wankel),
ou aura toujours la même suite d’harmoniques proportionnels au régime moteur, avec des écarts égaux
à la fondamentale quel que soit le nombre de cylindres ou les intervalles d'allumage (égaux ou inégaux)
Sur un monocylindre, la fondamentale et les premiers harmoniques (x2, x3, x4, x5,…) auront une intensité proche
Sur les multicylindres, contrairement aux instruments de musique où la fondamentale est toujours de plus forte amplitude et détermine la hauteur de note, on aura plusieurs harmoniques dominants d'amplitude supérieure à la fondamentale :
- si intervalles d'allumage égaux, fréquence d'explosion et ses premiers multiples entiers
- si intervalles d'allumage inégaux, fréquences dominantes réparties autour de la fréquence d'explosion
Pour chaque harmonique, l'intensité respective propre à chaque moteur sera différente au même régime en fonction :
- de la modification éventuelle du flux d’échappement par couplage symétrique ou asymétrique des tubulures
- du diagramme de distribution et de la charge moteur
- du positionnement de l’auditeur par rapport aux différentes sources sonores du moteur
- du filtrage ou de la résonance des organes situés entre le moteur et l’auditeur
- du taux de compression
- de la pression d'injection
On dit que le son est riche lorsqu’il contient de nombreuses harmoniques. Dans le cas contraire, il paraîtra terne à notre oreille.
Les rapports de fréquences sont plus nombreux sur moteurs multicylindres, surtout à 4 temps :
- avec nombre de cylindre impair ou multiple de celui-ci (3, 5, 6, 10, 12)
- avec nombre de cylindres pair et système d'échappement asymétrique avec tubulures de longueurs différentes
- avec intervalles d’allumage inégaux, avec le plus souvent un nombre pair N de cylindres formé de 2 groupes identiques déphasés d’un angle A = angle entre cylindres + angle entre manetons
Cas le plus fréquent avec allumage équidistant et couplage d’échappement par groupe de 2 à 6 cylindres = cycle/(N/2) avec séquence d’allumage en degrés = A, [cycle/(N/2) – A] répétée N/2 fois
Autre cas fréquent pour 4 cylindres 4 temps de moto avec allumages à 180°-540° pour chaque groupe,
avec séquence d’allumage en degrés = 180° + A, 180°, 180° - A, 180°
- avec des échappements individuels par cylindre, ce qui donne un son plus riche en harmoniques impairs et plus proche de celui d'un monocylindre, avec plus de relief sonore et de caractère à bas régime, surtout avec moteurs en ligne à nombre pair de cylindres et intervalles d'allumage égaux, par exemple sur motos :
- bicylindres calés à 360° longue course (twins anglais des années 50 à 80, Kawasaki W 650/800)
- 4 cylindres Honda CB 750 Four KO de 1969, Kawasaki 900 Z1 de 1972, ou MV Agusta 750 S de 1974
- 6 cylindres Benelli 750 sei de 1973
Le timbre sonore sera plus harmonieux pour les multicylindres si les rapports de fréquence dominants
sont des fractions simples correspondant à des consonances musicales, ce qui nécessite des intervalles d'allumage égaux sur l'ensemble des cylindres (et par collecteur sur 4 temps) pour les moteurs à plus de 2 cylindres.
Sur tous les moteurs à intervalles d’allumage égaux, le rapport de fréquence dominant sera l'octave, rapport de 2/1 entre fréquences de plus forte intensité (proportionnelles à 2N et N, avec N correspondant au nombre de cylindres suivant tableau ci-dessous).
Sur 2 moteurs à intervalles d’allumage égaux dont le nombre de cylindres est multiple l'un par rapport à l'autre, la sonorité sera proche avec des fréquences et rapports de fréquence en commun, avec par exemple un rapport de 6/5 sur 3 et 6 cylindres (correspondant à une tierce mineure en musique avec un intervalle de 3 demi-tons sur un piano), ou 10/9 sur 5 cylindres en ligne et V10 (correspondant à un ton mineur).
Sur les moteurs 4 temps à couplage primaire d'échappement identique, on aura en commun les fréquences les plus basses et rapports de fréquence correspondant aux mêmes intervalles d'allumage des cylindres couplés sur le même collecteur, avec par exemple un rapport de 3/2 (correspondant à une quinte juste en musique avec un intervalle de 7 demi-tons sur un piano) sur moteurs à couplage primaire 3 en 1 avec 3, 6, ou 12 cylindres.
Avec un allumage par compression permis par un taux de compression plus élevé (moteurs Diesel), on aura, en plus des harmoniques moteur, des bruits sur plusieurs bandes de fréquences non proportionnelles au régime moteur et réparties dans une plage pouvant aller jusqu'à environ 5000 Hz :
- bruits de combustion donnant un timbre avec plus d'impulsivité (attaque plus rapide), avec par exemple des fréquences inférieures à 1000 Hz et entre 1500 et 2500 Hz, avec amplitude variable selon plage, régime et charge
- bruits mécaniques de basculements de piston, de périodicité variable, produisant des claquements très marqués dans une zone de fréquences située par exemple entre 500 et 2500 Hz, avec une sonorité se rapprochant de celle d'un monocylindre, avec amplitude proportionnelle au régime, à la charge, à l'usure piston-cylindre, et surtout au jeu de fonctionnement particulièrement au démarrage à froid
- bruits mécaniques du système d'injection, avec des cliquetis dans une zone de fréquences plus hautes que celles des claquements de piston, généralement entre 2000 et 5000 Hz, avec augmentation de l'amplitude selon charge et proximité du moteur, pouvant être atténuée par système d' injection indirecte dans une chambre de turbulence ou par système d'injection directe avec injection pilote (pré-injection de faible quantité permettant d'amorcer la combustion).
Globalement l'amplitude des bruits augmente de façon plus ou moins homogène avec le régime, et surtout sur les plus hautes fréquences (généralement au delà de 2 kHz) avec la charge.
Les Diesel multicylindres sont par ailleurs souvent équipés d'un échappement à collecteur fonte unique par banc de cylindres avec conduits de forme et de longueurs différentes (assez courts pour limiter le temps de réponse si équipé d'un turbocompresseur) donnant des pulsations non équidistantes qui participent à la perception de grognement du moteur, en plus des bruits mécaniques et de combustion dont l'amplitude dépend du point d'écoute et de l'isolation phonique généralement renforcée sur les automobiles modernes par un encapsulage du moteur.
Avec une expérience auditive des sons de moteurs, on peut identifier à l'écoute, en plus du cycle (2 temps ou 4 temps essence ou Diesel, Wankel), les intervalles d'allumage (et le couplage d'échappement si 4 temps équipé), surtout sur les moteurs à allumage commandé, grâce :
- au(x) rapport(s) de fréquence dominant(s)
associé(s) à
- la hauteur du son aux régimes usuels (du ralenti jusqu’au régime maxi, suivant allonge du moteur en
fonction de la cylindrée et de l’orientation sportive ou non du véhicule)
La hauteur du son peut évoluer en fonction du nombre de cylindres comme dans l'exemple ci-après :
Un monocylindre 4 temps avec alésage x course de 100 x 80 mm a une cylindrée égale à :
[PI(3,14159..)] x [(alésage x alésage en cm) / 4] x [course en cm] = 628,32 cm²
Son ralenti est d’environ 1500 tr/min
Son régime de rotation à la vitesse linéaire maxi des pistons de 20 m/s est de 7500 tr/min
En conservant la même cylindrée totale, le même rapport d'alésage/course, et la même vitesse linéaire du piston, avec alésage x 3 de N cyl = (alésage x 3 de 1 cyl) / N, on obtient les vitesses de rotation possibles ci-après (sans tenir compte des limites liées à la distribution et au rappel des soupapes) :
1 cylindre : 7500 tr/min
2 cylindres : 9449 tr/min
3 cylindres : 10816 tr/min
4 cylindres : 11905 tr/min
5 cylindres : 12824 tr/min
6 cylindres : 13628 tr/min
8 cylindres : 15000 tr/min
soit fréquences maxi doublées avec nbre cylindres x 8 et fréquences mini réduites de moitié avec un régime
de ralenti abaissé grâce à une meilleure régularité cyclique, avec une allonge 4 fois plus importante mais une différence de tonalité qui peut être limitée par les couplages primaires d’échappement
On peut identifier le nombre N de cylindres sur un spectrogramme (ou sonagramme) qui représente la répartition spectrale des fréquences suivant transformée rapide (FFT) de Fourier avec des amplitudes plus marquées tous les N intervalles de fréquences (nombre d’intervalles correspondant au nombre de cylindres ou à ceux couplés de façon symétrique sur le même collecteur d’échappement), avec une intensité des harmoniques pouvant être inégales si intervalles d'allumage inégaux ou tubulures d'échappement de forme et de longueur inégale.
Voir forum GTPlanet
(lire jusqu'à la dernière page, en particulier les explications de "Griffith 500", avec le spectrogramme des harmoniques pour plusieurs architectures moteurs suivant lien intitulé "Spoiler : Harmonics") :
La qualité du son moteur nécessite quelques harmoniques à la fois pairs et impairs et limitées aux basses fréquences, avec des rapports de fréquence basés sur des multiples entiers simples (2/1, 3/2, 4/3, 5/4, 5/3) correspondants aux accords musicaux les plus consonants, avec un bruit de fond réduit et un spectre fréquentiel assez proche de ceux des instruments de musique à tubes.
Sur les moteurs modernes à allumage commandé, la qualité et l'intensité sonore « naturelle » diminuent :
Diminution de la richesse harmonique :
- en automobile, abandon des moteurs atmosphériques au profit de plus petits moteurs suralimentés de puissance équivalente mais avec nombre de cylindres réduit pour diminuer les pertes par frottement, les coûts et l’encombrement, à flux d’échappement atténué avec suralimentation par turbocompresseur et catalyseur
Diminution de la plage de régime :
- moteurs avec couple à bas régime important ne nécessitant pas de prendre des tours
(suralimentation en automobile, forte cylindrée avec régime maxi peu exploitable sur route en moto)
- emploi de boîtes automatiques
Diminution de l'intensité sonore de l'échappement avec normes de bruits et anti-pollution de plus en plus sévères, ce qui rend parfois le son d'admission dominant, en particulier à bas régime sous forte charge, même si celui-ci est également limité par les "boîtes" à air ou chambre de "tranquilisation" du flux d'air entrant.
Diminution de l'intensité sonore à l'intérieur des voitures suite à amélioration de l'insonorisation et élimination des résonances.
Augmentation des bruits mécaniques avec l'injection directe.
Un moteur essence à injection directe peut même avoir une sonorité Diesel dans les cas suivants :
- taux de compression élevé avec injection directe donnant des bruits plus impulsifs
- moteur froid avec prédominance de bruits mécaniques liés aux jeux de fonctionnement plus importants
- moteur au ralenti avec bruits de bouche réduits (pressions pulsées d'admission et d'échappement)
- écoute près du moteur avec prédominance des bruits mécaniques rayonnés (claquements de piston, tic-tac d'injection directe, distribution, ...)