Géométrie du système bielle-manivelle
RAPPORT ALESAGE / COURSE
La cylindrée unitaire correspond au volume du cylindre entre points morts haut et bas :
π (3,14) x alésage au carré x course du piston
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Pour une même cylindrée unitaire, le rapport d'alésage/course peut être assez variable :
- alésage supérieur à la course (moteur dit "supercarré" ou à course courte)
- alésage égal à la course (moteur dit "carré")
- course supérieure à l'alésage (moteur dit "longue course")
Un moteur supercarré permet :
. des montées en régime plus vives et un régime maxi plus élevé permettant une puissance maxi supérieure sans atteindre une vitesse linéaire des pistons de 20 à 25 m/s au delà de laquelle l'usure devient problématique, grâce à une course de piston raccourcie, avec une vitesse linéaire du piston plus faible donc moins de frottement à régime équivalent.
. un meilleur remplissage à haut régime sur les 4 temps, avec des soupapes plus grosses ou plus nombreuses commandées par un ou plusieurs arbres à cames en tête, et une géométrie de la culasse optimisant le rendement (angle réduit entre soupapes, bougie centrale, taux de compression élevé, etc...)
. un bras de levier plus faible entre l'axe du vilebrequin et le maneton recevant la bielle, ce qui diminue l'obliquité maximale de la bielle, les efforts latéraux piston/cylindre, les forces d'inertie et vibrations associées, la diminution du bras de levier et donc du couple moteur étant en réalité plus ou moins compensée par un piston plus gros dont la force de poussée est proportionnelle à la surface de sa calotte pour une pression identique dans le cylindre.
. une diminution du nombre de cylindres à puissance équivalente, pouvant nécessiter un système d'équilibrage annexe
. un encombrement en hauteur réduit pour le cylindre, en particulier sur les boxer, les mono et bicylindres 4 temps de cylindrée importante.
Un moteur longue course permet :
. un taux de compression plus élevé avec un meilleur rendement énergétique et une consommation réduite à bas et moyens régimes grâce à une meilleure propagation du front de flamme limitant les risques de cliquetis et une combustion plus complète par rapport à un moteur à gros alésage, avec moins de pertes thermiques, et généralement un couple maxi obtenu dès les bas régimes avec un remplissage optimisé pour cette plage de régime.
. sur les moteurs anciens de limiter l'alésage afin de réduire les masses alternatives, les problèmes de dilatation entre piston et cylindre, et de préserver les calottes de pistons dont la résistance était limitée avant les progrès métallurgiques, en accord avec des solutions techniques souvent inadaptées aux hauts régimes (absence d'arbre d'équilibrage, distribution culbutée sur les 4 temps, etc...)
. un encombrement en longueur réduit pour les moteurs en ligne à partir de 4 cylindres, notamment ceux des motos des années 70 à cylindres ailettés du refroidissement à air.
Historiquement, les moteurs sont passés d'un rapport d'alésage/course proche de 1/2 au début du 20ème siècle à environ 1,2 sur les moteurs de série à régime élevé actuels, et parfois plus de 2 sur des moteurs atmosphériques de Formule 1 des années 90.
Sur les 4 temps d'avant les années 70, les moteurs de série sont le plus souvent longue course avec une distribution culbutée peu apte à des régimes élevés. Les progrès de la métallurgie et la course à la puissance maxi ont permis des régimes élevés avec un allègement des pistons et des jupes de plus en plus courtes limitant les frictions, ces régimes élevés nécessitant une distribution à arbre(s) à cames en tête et des cotes supercarrées comme sur la plupart des motos japonaises depuis les années 60, y compris les monocylindres réputés pour leur caractère à bas régime comme la Yamaha 500 XT de 1976 (87 x 84 mm), qui ont progressivement perdu ce caractère avec l'augmentation de l'alésage sur les versions multisoupapes comme la 600 XT (95 x 84 mm), la 660 XT (100 x 84 mm), les Suzuki Big DR de 1990 (105 x 90 mm), ou la KTM 690 de 2016 (105 x 80 mm) dont le régime de puissance atteint désormais 8000 tr/min.
Les rares motos japonaises (hors customs) avec des cotes légèrement longue course ont été les 4 cylindres Honda CB 750 Four de 1969 (61 x 63 mm) et CB 900 F Bol d'Or de 1982 (64,5 x 69 mm), le 6 cylindres Kawasaki Z 1300 de 1979 (62 x 71 mm), sans doute pour limiter l'encombrement en largeur grâce avec une course plus importante mais restant limitée grâce à une cylindrée unitaire faible.
Sur les motos 2 temps actuelles, on a souvent des cotes moteur légèrement supercarrées mais avec une jupe de piston assez longue pour l'ouverture et la fermeture des lumières.
Sur les voitures type GTI des années 80 avec moteurs 4 cylindres atmosphériques à arbre à cames en tête 8 soupapes et injection de 1,7 à 1,9 l, les valeurs et rapports d'alésage x course étaient assez variables avec une puissance spécifique et un régime de puissance très proches :
- 81 x 86,4 mm (longue course) sur VW Golf GTI 1800 avec 112 ch à 5800 tr/min
- 84,8 x 79,5 mm (supercarré) sur OPEL Kadett D GTE 1800 avec 115 ch à 5800 tr/min
- 83 x 88 mm (longue course) sur PEUGEOT 205 GTI 1.9 avec 130 ch à 6000 tr/min
- 87 x 72,2 mm (supercarré) sur ALFA ROMEO Alfasud Sprint 1.7 (boxer) avec 118 ch à 6000 tr/min
Avec la nécessité d'un meilleur rendement énergétique à faible vitesse, on revient aujourd'hui à des cotes assez carrées sur motos dont l'objectif n'est plus d'avoir la meilleure puissance spécifique, par exemple sur HONDA CB bicylindres de moyenne cylindrée :
- 70 x 57,8 mm sur CB 450 en 1965 !
- 73 x 59,6 mm sur CB 500 T de 1974 à 1978
- 73 x 59,6 mm sur CB 500 F de 1994 à 2012
- 67 x 66,8 mm sur CB 500 F depuis 2013 (471 cm3 limité à 47,5 ch pour permis A2)
On note également un renouveau ou un maintien des moteurs longue course pour les moteurs non utilisés à haut régime :
- sur les moteurs automobiles "downsizés" avec suralimentation
- sur des scooters ou motos utilitaires à cylindres horizontaux ou très inclinés comme les monocylindres Yamaha X-Max 300 (70 x 75,9 mm), bicylindres T-Max 560 (70 x 73 mm) ou Honda 750 Intégra, Forza, X-ADV, ou NC (77 x 80 mm).
- sur des motos classiques ou néo rétro à cylindres verticaux comme les monocylindres Royal Enfield 350 Meteor (70 x 90 mm) , Benelli 400 Imperiale (72,7 x 90 mm), Honda 350 H'Ness (70 x 90,5 mm), ou bicylindres parallèles à 360° comme la Kawasaki W800 (77 x 83 mm).
- sur les plus gros customs V-twins comme les HD Milwaukee Eight (102 x 114,3 mm pour le 114 ci), ou les Indian Thunderstroke (103,2 x 113 mm pour le 116 ci), la forte cylindrée étant obtenue par une course très importante mais compatible avec des régimes paisibles et permettant de limiter le volume du haut moteur avec un alésage permettant un angle réduit du V souvent associé à une distribution culbutée qui reste plus compacte qu'avec un ou deux arbre(s) à cames en tête.
On peut trouver parfois chez un même constructeur des variantes de moteurs standardisés de cylindrée différente et partageant soit la course, soit l'alésage (moteurs Honda avec alésage de 73 mm et course de 78,7 sur auto 1.3 IVTEC, 89,5 sur 1.5 IVTEC, et 80 mm sur moto bicylindre NC 700 de 2012).
Exemples de V2 4 temps avec des valeurs extrêmes d'alésage pour l'un, et de course pour l'autre :
moteur Superquadro à distribution double arbre desmodromique à alésage/course de 116 x 60,8 mm pour la DUCATI Panigale 1299 (1285 cm3) de 2015 à 2018
--> 209 ch à 11000 tr/min et 14,5 m.kg à 9000 tr/min pour la 1299 R Final Edition de 2019
moteur longue course culbuté à alésage/course de 103 x 123,2 mm
pour la KAWASAKI VN 2000 (2053 cm3) de 2004
--> environ 50 ch/l à 4800 tr/min et 18 m.kg à 3200 tr/min
ANGLE ENTRE BIELLE ET CYLINDRE
En plus du rapport alésage/course, les variations de l'angle entre la bielle et l'axe du cylindre ont une influence sur le comportement du moteur et dépendent pour un même vilebrequin de la longueur de bielle et de l'écart entre l'axe du cylindre et celui du vilebrequin.
Le rapport R/L corespond au bras de manivelle du vilebrequin (course/2) divisé par la longueur de bielle.
Une bielle plus longue (avec R/L = 0,25) diminue l'appui latéral du piston sur le cylindre, donc le claquement, la friction et donc l'usure, mais le couple restitué diminue également avec un angle par rapport au cylindre moins favorable lors de la phase de détente, avec une augmentation de masse et d'inertie de l'équipage mobile incompatible avec les hauts régimes et une longueur de cylindre encombrante, d'où un rapport R/L généralement appliqué proche de 0,3.
Une bielle plus longue diminue également l'impulsivité de la pulsation d'échappement sur un moteur 4 temps donc l'amplitude sonore à l'entrée du système d'échappement.
Une autre technique parfois présentée comme une innovation récente mais en réalité déjà appliquée sur d'anciens moteurs et souvent associée à une bielle courte (plus légère et plus compacte) consiste à désaxer le cylindre (ou l'axe du piston) vers l'avant (côté échappement) par rapport au vilebrequin, ce qui diminue également la friction sur le cylindre lors de la phase d'explosion avec un angle de bielle réduit par rapport au cylindre tout en augmentant le temps moteur et donc le couple moyen (point mort haut du piston atteint après celui du maneton et rotation du vilebrequin supérieure à 180° entre point mort haut et bas du piston, voir dessin ci-après), mais avec un fonctionnement asymétrique du moteur et un équilibrage modifié.
Ce désaxement permet en plus d'éviter l'absence d'effet de levier du à l'alignement des axes lorsque le piston est au point mort haut ou bas (ou plusieurs pistons simultanément si 4 temps avec intervalles d'allumage égaux et nombre de cylindres pair par banc comme un 4 cylindres en ligne classique ou un V4 avec vilebrequin calé à 360°).
Cette technique est appliquée sur la plupart des moteurs Yamaha 4 temps récents à arbre(s) d'équlibrage dont mono YZF 450 R avec un décalage des axes de 12 mm. Sur les multicylindres en ligne de type CP2, CP3, et CP4 crossplane, le décalage de manivelle associé à l'absence de points mort haut simultanés permet d'avoir un couple inertiel plus constant, avec un meilleur ressenti du couple moteur, mais avec une élasticité à bas régime qui dépend surtout des intervalles d'allumage (inégaux sur CP2 et CP4).